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Les nitazènes, nouveaux opioïdes de synthèse ultra-puissants
C’est un nouveau drame qui se profile. Alors que l’épidémie de surdoses liées aux opioïdes synthétiques comme le fentanyl continue de faire des ravages en Amérique du Nord, de nouvelles molécules encore plus puissantes viennent d’être détectées en France : les nitazènes. Selon les experts, ces drogues de synthèse aux effets dévastateurs pourraient provoquer une vague de surdoses mortelles.
Une famille de molécules 500 fois plus puissantes que la morphine
Apparues sur le dark web nord-américain en 2019, ces substances chimiques ultrapuissantes sont arrivées en Europe il y a deux ans avant de se propager en France. « Elles sont 500 fois plus puissantes que la morphine, s’alarme le professeur William Lowenstein, président de SAFE, une association de réduction des risques. Une infime quantité, de l’ordre du microgramme, suffit à provoquer un arrêt respiratoire.
« Pire, les nitazènes passent totalement inaperçues. Impossible de les détecter avec les tests de dépistage urinaire standard. « C’est un vrai problème, déplore Lowenstein. En cas de surdose, on ne sait pas à quoi on a affaire et il est déjà trop tard pour sauver la victime. »
Six cas graves recensés dans quatre régions françaises
Les autorités sanitaires ont récemment tiré la sonnette d’alarme après avoir recensé six cas « marquants » de surdoses aux nitazènes dans quatre régions. Le plus dramatique est survenu à Montpellier avec le décès d’un homme d’une trentaine d’années retrouvé inanimé dans la rue.
À La Réunion, deux jeunes consommateurs d’héroïne ont fait un arrêt cardiaque après avoir sniffé ce qu’ils pensaient être de la poudre habituelle. L’un est décédé, l’autre reste dans le coma. Idem pour un Bordelais de 28 ans et un Messin de 31 ans, toujours hospitalisés dans un état critique.
« Ce ne sont probablement que la partie émergée de l’iceberg, prévient le professeur Palle, toxicologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Nous sommes très inquiets et craignons une diffusion rapide de ces substances extrêmement dangereuses. »
Difficultés du dépistage et du diagnostic
Contrairement aux autres opioïdes, les nitazènes présentent deux caractéristiques qui compliquent leur dépistage :
- Ils ne sont pas détectés par les tests immunologiques de dépistage urinaire standard
- Ils ne sont pas recherchés en routine dans le sang ou les urines par les laboratoires
Cela retarde le diagnostic et la mise en place d’un traitement approprié en cas de surdose.
« En cas de suspicion, il faut réaliser une analyse toxicologique spécifique dans un laboratoire spécialisé » précise la présidente de l’association SAFE.
Traitements et prévention des surdoses
Face à l’émergence des nitazènes, les recommandations sont les suivantes :
- Utiliser la naloxone en traitement d’urgence, bien qu’une double dose puisse être nécessaire
- Sensibiliser les usagers de drogues et leur entourage à l’utilisation de trousses de naloxone
- Former les professionnels de santé au risque nitazènes : médecins urgentistes, toxicologues, addictologues…
- Mener des actions de réduction des risques ciblant les usagers de drogues
- Poursuivre la recherche sur ces nouvelles molécules pour améliorer les outils de dépistage et de prise en charge
Une prévention qui patine
Face à ce péril, les autorités sanitaires appellent à la vigilance. Le ministère de la Santé va distribuer 30 000 kits de naloxone, ce spray capable de bloquer les effets d’une overdose d’opioïdes, aux associations et structures de soins.
Insuffisant, selon les spécialistes. « Tous les consommateurs à risque et leur entourage devraient avoir accès à la naloxone, assène William Lowenstein. C’est un outil qui sauve des vies. » En attendant, gare à cette nouvelle famille de drogues redoutables qui menace déjà tant de vies.