Qui ne connaît pas le marché de Rungis ? Ce que l’on sait moins, c’est que ce colosse de l’approvisionnement alimentaire nourrit, littéralement, 18 millions de Français ! Erigé en véritable emblème de l’excellence agricole nationale, ce gigantesque carrefour logistique est reconnu mondialement comme le « premier marché de produits frais au monde », rien que ça !
Stratégiquement situé entre l’aéroport d’Orly et les artères autoroutières de la région parisienne, le Marché d’Intérêt National (MIN) de Rungis se positionne comme un pivot essentiel de l’industrie agroalimentaire, tant en France qu’en Europe. La preuve en chiffres : en 2022, le marché a généré un chiffre d’affaires de plus de 10 milliards d’euros, représentant plus de 0,4 % du Produit Intérieur Brut (PIB) français. Chaque année, les entrepôts du sud de l’Île-de-France voient défiler 3 millions de tonnes de marchandises, comprenant des cageots débordant de fruits et légumes, des carcasses de viande et des caisses de poissons frais sur lit de glace pilée. Découverte !
Sommaire
« Le déménagement du siècle »
La nuit du 2 au 3 mars 1969 reste gravée dans l’histoire comme le « déménagement du siècle », qui marque le transfert des Halles centrales de Paris vers Rungis, dans le Val-de-Marne. Ce moment historique signe la création du plus grand marché de produits frais au monde, déplaçant le cœur battant de l’approvisionnement alimentaire de la capitale française vers une nouvelle terre promise.
Avec une logistique impressionnante mobilisant 30 000 personnes, 1 500 véhicules et le transfert de 5 000 tonnes de marchandises en seulement un week-end, le « ventre de Paris » renaît à Rungis. Tous les pavillons, à l’exception des produits carnés restés à La Villette jusqu’en 1973, trouvent leur nouvelle demeure : fruits et légumes, produits laitiers, fleurs…
Le déménagement était dicté par plusieurs nécessités : résoudre les problèmes de salubrité, pallier le manque de place et réduire les nuisances sonores qui pesaient sur le site historique situé en plein cœur de Paris. Le choix de Rungis, à seulement 7 km au sud de la capitale, répondait à ces critères grâce à sa proximité avec les axes routiers et son vaste espace disponible pour accueillir le nouveau Marché international. Dès 1964, plus de 2 000 ouvriers s’activent pour préparer ce site d’envergure.
Le 3 mars 1969 marque l’ouverture de ce gigantesque complexe à un millier de grossistes prêts à servir les premiers clients dans ce qui deviendra rapidement une référence mondiale. Seuls les professionnels ont accès à ce sanctuaire de l’alimentation, composé de 15 pavillons et d’un centre administratif, sous la gestion de la Semmaris.
Rungis, pivot de l’approvisionnement en Île-de-France… et au-delà !
La Semmaris, entité supervisant l’exploitation du marché de Rungis et détenue en partie par l’Etat français et dont le mandat a été renouvelé par l’Etat jusqu’en 2050, centralise l’activité de plus de 1 200 grossistes. Ces derniers desservent 25 731 acheteurs actifs, orchestrant le flux de près de 30 000 camions qui traversent le marché quotidiennement pour ravitailler marchés et établissements de restauration. D’après les données de la mairie de Paris, qui possède 13 % de la Semmaris, Rungis est un maillon essentiel dans l’alimentation de 18 millions de consommateurs à travers la France. Et avec 65 % de ses acheteurs basés en Île-de-France, Rungis joue un rôle prépondérant dans l’approvisionnement de la région, tout en étendant son influence à des commerces et restaurants européens et internationaux, comme l’indique le rapport annuel d’activité du groupe.
Rungis, c’est aussi une marque qui s’exporte à l’international
Dire que le marché de Rungis est un véritable pilier économique du Val-de-Marne est un doux euphémisme… En chiffres, le MIN emploie 12 947 personnes sur son site de 234 hectares, ce qui en fait l’un des plus importants employeurs du département. Reconnu comme le plus grand marché de gros au monde, Rungis s’est établi comme « la référence mondiale des marchés de gros », exportant désormais son savoir-faire à l’international avec des projets en développement au Kazakhstan, Vietnam, Bénin, et possiblement au Maroc.
Au-delà de son rôle économique, le Marché d’Intérêt National de Rungis est chargé de symboles. Initialement situé aux Halles au cœur de Paris, il incarne la richesse de la production agricole et halieutique française. Cette dimension symbolique fait de Rungis un lieu prisé des personnalités politiques. En 2017, le président Emmanuel Macron, nouvellement élu, avait choisi ce cadre pour présenter sa politique alimentaire. Il y est retourné en février 2023 afin de promouvoir la réforme des retraites, soulignant devant les commerçants que « dans l’ensemble, les gens savent qu’il faut travailler un peu plus longtemps en moyenne tous ».
Au-delà donc de sa fonction de marché de gros, Rungis incarne une expertise dans la valorisation de la gastronomie française, ainsi que dans les domaines de l’économie, de la logistique et de la construction. Stéphane Layani, PDG de la Semmaris, l’opérateur de Rungis, s’est fixé pour mission de partager ce modèle unique avec le monde. « Le Marché de Rungis est un véritable trésor national », affirme-t-il. Depuis son arrivée à la tête du plus grand marché au monde en 2012, Stéphane Layani poursuit un objectif de développement constant, guidé par une philosophie claire : « Il faut s’adapter à la demande des consommateurs, les écouter, analyser leurs demandes ». Cette approche centrée sur le consommateur a déjà conduit à des innovations significatives au sein du marché, comme la rénovation du « Carreau des producteurs » en réponse à la demande de produits locaux, ou encore l’inauguration d’un pavillon entièrement dédié au bio au début de l’année 2016.
Conscient que l’investissement est le moteur essentiel de la croissance, Mr Layani et la Semmaris ont lancé un plan d’investissement décennal de 1 milliard d’euros qui s’étendra jusqu’en 2025. Ce plan ambitieux prévoit le développement et la modernisation du marché, avec la création d’un nouveau pavillon dédié au porc et l’amélioration de la logistique et du stockage, notamment par le développement d’une marketplace virtuelle.
Le marché de Rungis accélère sa transition écologique avec un vaste programme de modernisation
La décarbonation va bon train à Rungis… En plus d’initier une politique de réduction des déchets et de réutilisation optimale des denrées alimentaires, contribuant ainsi à augmenter les dons aux banques alimentaires, Rungis prend des mesures concrètes pour produire une partie de son électricité. L’installation de 110 000 m² de panneaux solaires sur les parkings et les toits des pavillons marque une étape significative vers l’autoproduction énergétique.
Dans une perspective d’innovation constante, 250 bornes de recharge électrique verront bientôt le jour sur le site, en partenariat avec TotalEnergies. Parallèlement, une expérimentation de technologie de pile à combustible, en collaboration avec Renault, est menée pour fournir en énergie les systèmes de réfrigération des camions, utilisant l’hydrogène comme source d’alimentation.
Sous la direction de Stéphane Layani, le marché explore également des solutions pour augmenter le transport ferroviaire au détriment du transport routier, avec la possibilité d’ajouter une nouvelle gare de combiné. Le projet s’inscrit dans la continuité de la réhabilitation de la ligne de primeurs Perpignan-Paris, et envisage l’ouverture de nouvelles lignes Avignon-Paris et une connexion avec le port de Boulogne-sur-Mer. « Les Halles historiques étaient reliées par la voie ferrée, qui empruntait le boulevard Saint-Michel », rappelle Stéphane Layani à ce propos.
Face à l’obligation de mise en conformité avec le décret tertiaire, les investissements nécessaires pour les pavillons du site sont estimés à 100 millions d’euros. En parallèle, le marché se prépare à une augmentation de l’activité jusqu’à la fin de l’année, avec des commerçants qui réalisent en décembre l’équivalent de deux mois de ventes en un. Les 13 000 employés du MIN s’apprêtent à accueillir entre 25 000 et 30 000 clients quotidiens, un chiffre qui pourrait presque doubler pour atteindre près de 50 000 visiteurs.